M. Emmanuel-Moselly Makasso, doctorant en co-tutelle entre le Centre MICA et le laboratoire LPL d'Aix en Provence (France) a soutenu brillamment sa thèse à Aix en Provence le mardi 4 novembre 2008

Titre :  Intonation et mélismes dans le discours oral spontané en Bàsàa - A study of melisms in Bàsàa oral spontaneaous discourse

Doctorant : Emmanuel-Moselly Makasso
Directeur de thèse : Geneviève Caelen-Haumont (Centre MICA)

Résumé :
Ce travail qui se consacre à la prosodie du bàsàa, une langue bantoue à tons parlée au Cameroun, souscrit à une longue tradition d’analyse prosodique développée dans les laboratoires de parole : Prosodie, formes et fonctions. Les phénomènes prosodiques envisagés au premier plan sont l’intonation et le « mélisme ». Ce dernier terme, d’inspiration musicale et adaptée en linguistique par Caelen-Haumont et Bel (2000), renvoie à une vaste excursion de la courbe mélodique au cours de l’articulation d’un mot ou d’un groupe de mots. Cette notion se manifeste sur le plan prosodique par une proéminence lexicale dont les auteurs attribuent l’origine à l’expression de la subjectivité des locuteurs. Après une application du concept de mélisme au français et à l’anglais, l’adaptation du concept en bàsàa nous montre une superposition du mélisme aux autres phénomènes prosodiques, ton et intonation.
À partir d’un corpus d’interviews radiophoniques de 6 locuteurs (une femme et 5 hommes), le modèle MELISM (Caelen-Haumont et Auran, 2004 ; Caelen-Haumont et Dat, 2008), a été appliqué à la sortie de MOMEL (Hirst et Espesser, 1993) sous Praat (Boersma et Weenick, 2005). L’outil MELISM qui permet la segmentation de la voix humaine en neuf niveaux : aigu, supérieur, haut, élevé, moyen, bas, inférieur et grave) détermine de manière fine la proéminence lexicale. Les mélismes sont concernés par les trois catégories les plus hautes. Après une description linguistique et prosodique de la langue bàsàa, une double analyse des mélismes issus de notre corpus a été entreprise : une analyse phonologique et une interprétation linguistique et pragmatique.
La description phonologique étudie la réalisation tonale sous l’angle des « syllabes tonales ». Les syllabes tonales entendues ici comme les séquences entre deux cibles tonales déterminées automatiquement par le modèle MELISM, n’ont pas de relation avec les syllabes lexicales. La description des syllabes tonales s’est focalisée sur la pente mélodique et sur les types de structures. De cette première étude il en ressort que les mélismes ne sont pas liés par des contraintes linguistiques de type top-down. Cette thèse ensuite s’est intéressée à l’interprétation de la proéminence prosodique en quatre dimensions : la subjectivité linguistique, la structure du discours, la structure informationnelle et l’analyse sémantique et pragmatique des réseaux lexicaux autour des mélismes lexicaux. En somme, quelle que soit la dimension d’étude du mélisme (subjectivité lexicale ou subjectivèmes (Kerbrat-Orecchioni, 1980), focus, deixis, anaphore, etc.), le mélisme n’est pas linguistiquement déterminé de manière top-down, mais émergeant en fonction des besoins de l’expressivité affective des locuteurs, il est statistiquement lié au domaine des principales isotopies lexicales du discours dans une perspective bottom-up.

 

Abstract :
This work, grounded on the prosody of Bàsàa, a tone Bantu language spoken in Cameroon, draws on a long tradition of the Form-Functions of prosody developed in the French laboratories working on speech. The prosodic phenomenon in question here are Intonation and « melism ». The latter is a word borrowed from the domain of singing and proposed in linguistics by Caelen-Haumont and Bel (2000). It stands for a large melodic excursion over the course of a whole word or at the most, of its adjacents words. This notion was successfully applied in French and English. Adapted to Bàsàa language, melisms are higher in pitch than the normal register of high tones. Moreover, melism is a phenomenon that is superimposed to other prosodic phenomena like tone and intonation.
From a corpus of spoken radio interviews of 6 bàsàa speakers (1 female and 5 males), we applied the MELISM tool (Caelen-Haumont et Auran, 2004 ; Caelen-Haumont et Dat, 2008), at the output of the MOMEL procedure (Hirst et Espesser, 1993) running under the Praat software (Boersma and Weenick, 2005).This specific tool provided us with a segmentation of human voice into 9 levels, Acute, Superior, High, Elevated, Mean, Central, Low, Inferior, Grave. Melisms are concerned only with the first three ones, which are the highest. The melisms gathered from this corpus were treated in two ways: first a phonological description and then a semantic and pragmatic description.
The phonological description consisted of bringing out the tonal correlates, provided by the MOMEL model sorting out « tonal syllables ». These tonal syllables, different from lexical ones, are understood as sequences between two tonal targets, automatically fixed by the script. Likewise, the phonological description focused on the direction of the melodic slope, and the types of melism structures in phrases. An outcome of this analysis is that it appears that melisms are not constrained by any phonological, syntactic or semantic phenomenon in a top-down perspective.
Following that description, the second part of the work was concerned with the interpretation of the melodic prominence of the words. Four dimensions are explored here: the way in which the melisms mark the linguistic subjectivity, the way in which the grammatical melisms act in the discourse structure, by marking coherence relations, the way in which the melisms act in the information structure and finally a semantic and pragmatic interpretation of lexical networks around lexical melisms. In conclusion, melisms can appear anywhere in the utterance, regardless of the linguistic domain in a top-down perspective: lexically subjective or not, focus or not, deictic or anaphoric, etc. The real conditioning factor for the appearance of melisms seems to be the expressiveness of the speaker, statistically related with the lexical isotopies of the discourse in a bottom-up perspective.